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Par Gyaltsen
C’était juste un mois après l’immolation au Tibet de mon cousin, Lobsang Jamyang, que j’ai surpris une conversation entre deux étudiants de mon école au cours de laquelle un des étudiants a dit à l’autre “Pourquoi ne meurent-ils pas après le Nouvel An ? Cela perturbe nos fêtes de fin d’année”. Même si cela ne m’était pas directement adressé, ses mots ont transpercé mon coeur. J’ai pensé à attraper ce garçon et le frapper une ou deux fois. Mais j’ai ravalé ma colère et je suis parti tristement.
Que les immolations soient la meilleure forme de contestation ou pas, mon cousin et les autres ont tous mis un terme à leur vie dans l’espoir d’un futur meilleur pour le Tibet.
Ils aiment tous le Tibet, plus que leurs propres vies, et c’est pourquoi ils se sacrifient pour leur pays. Ce n’est pas qu’ils donnent peu d’importance à leurs vies. Dans le cas de mon cousin, il avait son propre rêve, exactement comme vous et moi - de fonder une famille et d’avoir des enfants, de vivre longtemps et d’avoir une vie heureuse. C’était un homme très énergique et tendre et spécialement amical et serviable avec ses voisins. Il était prêt à commencer une nouvelle vie avec de nouvelles ambitions. Il était éduqué et avait même des récompenses dans des compétitions d’écritures tibétaines. Cependant l’amour qu’il avait pour son pays était plus important que son amour propre. Je sais que d’autres personnes qui se sont immolées avaient des pensées similaires.
Se donner la mort n’est pas une chose facile ; encore moins par le feu. Tristement, beaucoup d’entre nous ne peuvent même pas se rendre compte des douleurs subies. Ceux qui se sont immolés ont décidé de quitter leurs parents aimants, leurs frères et soeurs, leurs familles. Ils ont dû pleurer bien des fois avant de tous les laisser derrière eux.
Ils étaient ces hommes qui ont résisté contre les règles de la tyrannie et refusé d’écouter toutes les fausses promesses du gouvernement chinois. Ils se sont battu avec détermination et sont morts bravement.
Bien que nous demandions instamment des négociations et de l’attention à l’encontre de la détresse des Tibétains de l'intérieur, la Chine ne nous écoute presque pas - elle ne prête même pas attention aux cris de nos martyrs qui se sont immolés, demandant la liberté du Tibet et le retour d’exil du Dalaï Lama.
Au lieu de cela, le gouvernement de Beijing augmente le nombre de personnel de sécurité armé et des forces spéciales dans les régions tibétaines pour mettre en place des mesures autoritaires, des emprisonnements et des menaces pour de potentielles nouvelles protestations.
Ces Tibétains qui ont risqué leurs vies en élevant leurs voix contre les partis pris et mauvais traitements des autorités chinoises au Tibet ont été soumis à des souffrances insupportables. Sans pitié, la police chinoise et les paramilitaires ont détruit presque tous les monuments historiques, d’écritures sacrées et de places saintes au Tibet qui est le coeur de la culture et de la religion tibétaine.
Tous les monastères sont assiégés et des milliers de moines et de laïcs ont été tués et blessés. Les Tibétains sont complètement enfermés et ne laissent personne voir leurs souffrances et humiliations. Ces Tibétains qui se sont révoltés pour la vérité ont été désignés ennemis et certains ont été tué ou emprisonnés sans jugement.
On pourrait penser que nos manifestations et spécialement les nouvelles des immolations sont tombées dans de sourdes oreilles mais elles n’ont pas été ignorées et ne sont pas passées inaperçues. Ces actes désespérés d’immolations n’ont pas retenu l’attention de la communauté internationale comme l’avait été l’immolation de Tarek al-Tayeb Mohamed Bouazizi, un vendeur de rue tunisien qui s’est immolé le 17 décembre 2010 afin de protester contre la confiscation de ses marchandises, le harcèlement et l’humiliation dont il dit avoir été victime par un employé municipal et ses assistants.
Cependant, l’impact des immolations de Tibétains au Tibet a été bien moindre.
Juste après l’immolation de mon cousin, des personnes de tous âges sont venu dans mon village et ont aidé la victime de telle manière qu’il semblait qu’ils appartenaient tous à notre famille. Tous les conflits qui divisaient les gens ont finit par se dissoudre. Même s’il y avait des aversions et des mésententes entre les Tibétains auparavant, chacun a agit et s’est senti comme frères et soeurs, vivant et travaillant ensemble. Même ma mère, qui a la cinquantaine a commencé à apprendre le Tibétain. Elle essaie de parler purement tibétain sans passer par l’utilisation de mots chinois. On a l’habitude d’utiliser beaucoup de mots chinois dans nos conversations au Tibet, comme nous utilisons beaucoup de mots anglais ici en exil. Mais à la suite de toutes ces tragédies, les Tibétains du Tibet utilisent rarement les mots chinois lorsqu’ils discutent, ils essaient de promouvoir la langue et la culture tibétaine de toutes les manières possibles.
Cette histoire a eu lieu dans un village démuni mais quand on regarde bien tous ces incidents similaires, cela devient très clair que toutes ces protestations, tout spécialement les immolations, déclenchent une nouvelle étincelle d’unité, de patriotisme et de nationalisme entre Tibétains et a réveillé des Tibétains de leurs profonds sommeils.
On ne peut pas parler de vérité quand on parle de la Chine. La Chine demande simplement de la loyauté pour essayer de cacher la vraie histoire du Tibet. Cependant, la vérité est toujours vraie et elle ne peut être tournée en mensonge par la force et le pouvoir.
Même si de nombreux autres Tibétains sont tués, la vérité du Tibet comme un Etat indépendant de la Chine à travers les siècles restera comme elle est. Les accusations infondées et les critiques contre Sa Sainteté le Dalaï Lama et les Tibétains ne sera jamais une manière de résoudre les problèmes, cela ne laissera pas ces deux pays en paix. De plus, les accusations injustifiées de la Chine détérioreront leur image internationale.
Je ne demande pas que le monde soit inspiré par tous ces sacrifices altruistes que sont les immolations des Tibétains. C’est déjà plus qu’assez si notre propre peuple en est inspiré.
NOTE : L’auteur est un étudiant d’une école tibétaine en Inde et son cousin Lobsang Jamyang s’est immolé au Tibet pour protester contre le gouvernement chinois il y a quelque mois.