AUJOURD'HUI LA CHINE
Pour plusieurs "dissidents"
Des dissidents victimes de la répression des manifestations de juin 1989 ont appelé la communauté internationale à faire pression sur la Chine pour qu'elle admette sa responsabilité
"Jusqu'à présent la communauté internationale (...) a adopté une politique d'apaisement à l'égard du gouvernement chinois", estime Ding Zilin, dont le fils, Jiang Jielian, a été tué par l'armée à l'âge de 17 ans, dans l'ouest de Pékin. "Elle est conciliante à l'égard de ces atrocités", dit Mme Ding, professeur de philosophie retraité de 72 ans à la tête du mouvement des Mères de Tiananmen qui, durant 20 ans, n'a cessé de demander justice au gouvernement. Sans effet.
Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989, les chars et les soldats de l'Armée populaire de libération ont déferlé vers la place Tiananmen, au coeur de Pékin, tuant des centaines, voire des milliers de protestataires, alors que le Parti communiste avait décidé de mettre fin à six semaines de manifestations pro-démocratiques. Vingt ans après, l'histoire officielle ne s'est pas penchée sur ces événements qui restent tabous en Chine et où, les rares fois où ils sont mentionnés, ils le sont sous l'euphémisme de "troubles politiques".
Mais pour Bao Tong, dissident emblématique de juin 1989, la pression internationale en faveur d'un ré-examen de ces événements et de la réhabilitation des victimes - mortes ou encore en vie - est vitale si la Chine souhaite panser les plaies "des erreurs du passé". "Un gouvernement qui n'est pas responsable face à son propre peuple, ne peut être responsable face au reste du monde", dit-il à l'AFP. Bao Tong, 76 ans aujourd'hui, ancien aide personnel de Zhao Ziyang, le chef du Parti communiste chinois (PCC) limogé pour son empathie à l'égard des "contre-révolutionna
"Ne pas vouloir offenser la Chine signifie qu'ils ne peuvent pas aider la Chine, ne peuvent pas aider le peuple chinois à jouir de ses droits et ne peuvent pas aider la communauté internationale à intégrer un membre fiable, stable et pacifique", dit Bao. "Cela n'est pas une bonne chose. Si (le monde) est indifférent, il porte une grande part de la responsabilité
Comme à chaque anniversaire, le gouvernement va renforcer les mesures de sécurité pour empêcher toute commémoration. Des dissidents ont déjà été interpellés ou harcelés à l'occasion de l'anniversaire de la mort, le 15 avril 1989, du Premier secrétaire du PCC, Hu Yaobang, déchu pour réformisme deux ans auparavant. La mort de Hu avait déclenché les manifestations qui avaient grossi de jour en jour en faveur de réformes politiques en Chine, alors que le PCC était paralysé devant une contestation d'ampleur inédite.
Qi Zhiyong, qui a perdu une jambe sous les balles le 4 juin, pense, comme de nombreux autres dissidents, que le Parti communiste ne reconnaîtra jamais les "crimes" de Tiananmen. Pour Qi, 52 ans, le PCC est une nouvelle "dynastie chinoise" préoccupée exclusivement par sa survie, et qui peut, pour assurer celle-ci, utiliser la force. "Tant que le parti ne reverra pas son jugement sur le 4 juin, et ne reconnaîtra pas que c'était un mouvement patriotique et démocratique, la démocratie ne pourra pas avancer ici", dit-il. "Cela veut dire que tout ce qu'ils nous racontent sur la démocratie en marche et les droits de l'Homme ne sont que mensonges", conclut-il, au sujet des discours officiels.